Le monde lui tendait les bras. Il avait mis du temps à le voir. Pendant toutes ces années, il avait bourlingué de ville en ville en espérant y trouver ce qui lui avait toujours manqué : un contact humain. Maintenant, il voyait bien que ça ne se faisait pas comme ça. Généralement, ces contacts étaient même imprévus et arrivaient sans crier gare. Ca n’avait jamais empêché Oscar de chercher pour autant, d’aller aux plus d’événements possible autant pour attirer l’attention sur lui que pour entraîner le dialogue. Mais finalement, là où il se sentait le mieux, c’était dehors aux côtés de Newt.
Alors quand il apprit que l’île d’Alola dérivait à la hauteur de Libert’île, il n’hésita pas une seconde et fit son sac. Un sac à dos pour lui, un baluchon pour Newt, et ils prirent le chemin vers l’île. Ils s’installèrent à l’hôtel qui les accueillerait pendant deux semaines, déjà assailli par les touristes, et leva les yeux au ciel lorsqu’il vit son Osselait se préparer à faire la sieste.
« Je te rappelle qu’on sort tout de suite. »
Le petit Pokémon se redressa, le regard hagard.
« Parfaitement, jeune homme. On a que deux semaines pour capturer les dix premiers Pokémons du Pokédex. Donc on a pas de temps à perdre. »
Osselait ronchonna.
« Y pas de mais. Prends ton os, on y va. »
Il esquissa un sourire amusé lorsqu’il tourna le dos à son Pokémon, et ensemble, ils prirent le chemin d’une des étendues sauvages d’Alola.
Oscar avait pensé à prendre des chaussures de marche, mais n’était pas sûr que Newt accepte de faire un si long voyage à pied. Il savait que son Pokémon pouvait parfois se montrer un peu ronchon mais il le prenait toujours avec bon coeur. Il le trouvait attendrissant ainsi, et n’avait jamais imaginé qu’il puisse un jour évoluer. Il y avait souvent pensé pourtant, au fil des années passées à ses côtés, mais Osselait n’avait jamais changé de forme et au fond c’était très bien ainsi.
Heureusement, le climat était idéal sur cette île. La chaleur était douce mais pas étouffante, et Oscar avait entendu beaucoup de théories abracadabrantesques sur des Pokémons inconnus ou des Pokémons familiers qui auraient des formes insolites. Qu’à cela ne tienne, il était ravi de vérifier par lui-même la véracité de tels propos, et espérait ne pas faire ce voyage pour rien. Le pas prudent, il avait atteint avec Newt une zone sauvage de l’île et regarda autour de lui. Il lui semblait évident que pour bien faire, il devait se montrer observateur. Mais ce qu’il vit le figea sur place.
« Newt, tu vois ce que je vois ? »
Osselait s’arrêta et regarda dans la direction indiquée. C’était bien un Goupix, mais qui ne ressemblait en rien à ceux de Libert’île. La première surprise passée, il échangea un regard avec son dresseur et se mit à sautiller.
« T’as raison. Faut qu’on essaie. »
Il avait des Pokéballs avec lui. Il ne se rappelait plus la dernière fois qu’il avait capturé un Pokémon, mais peu importait. Il s’approcha du Goupix, et tenta de le capturer, le coeur battant de plus en plus vite dans sa poitrine.
Oscar n’avait pas une grande expérience dans la capture des Pokémons. Il l’avait déjà fait plusieurs fois quand il était plus jeune, mais il était davantage concentré sur comment s’intégrer dans la société et comment se faire aimer de tous. Il regrettait désormais de ne pas s’être davantage investi dans les captures qu’il avait faites dans ses jeunes années. Il ne se souvenait même pas du premier Pokémon qu’il avait capturé, en dehors de Newt. Ainsi, ce défi lancé de compléter le Pokédex était un nouveau départ pour lui. Et peu importe les Pokémons qu’il arriverait à capturer ce jour-ci, à ses yeux ce serait les premiers.
Comme ce Goupix. Goupix était un Pokémon adorable, et comme toute personne sensée, Oscar l’aimait beaucoup ainsi que son évolution Feunard. Il n’aurait pourtant jamais imaginé qu’il puisse en exister d’autres qui ne soient pas de type Feu, et l’excitation du moment fut bientôt remplacée par l’inquiétude lorsqu’il lança la Pokéball. Il y rentra sans histoires, mais la ball commença à gigoter dans tous les sens, et ce un peu trop longtemps pour que ce soit rassurant. Il baissa les yeux vers Newt.
« Ca met pas aussi longtemps d’habitude, si ? »
« D’habitude ». C’était facile à dire, il n’en avait pas du tout l’habitude. Mais il lui semblait qu’en effet, les Pokémons cédaient plus rapidement. Pourtant, au bout de quelques secondes d’attente interminables, la Pokéball s’immobilisa dans un bruit caractéristique. S’ensuivit un silence où dresseur comme Pokémon ne surent s’ils devaient bouger. Oscar s’approcha prudemment de la Pokéball qu’il ramassa, et un sourire fleurit sur ses lèvres.
« M’semble que c’est bon. On l’a bien capturé ! Bravo, Newt ! »
Il n’était pas très doué pour exprimer ses émotions au maximum, et pourtant Osselait sautillait joyeusement autour de lui en brandissant son os. Attendri, Oscar laissé échapper un rire léger, et observa la Pokéball remplie sans y croire.
« Commencer une carrière de collectionneur avec un Goupix de glace, ça a une certaine classe, non ? » dit-il en se remettant en route.
Il la fit sautiller agilement dans sa main, puis fit sortir le Goupix.
Goupix sortit un peu confus malgré le petit cri joyeux qu’il lança à l’adresse de son nouveau dresseur. Oscar s’accroupit devant lui et lui caressa la tête.
« Bienvenue, toi. T’es mon premier Pokémon. T’inquiète pas, on va pas te faire de mal. »
Pour rassurer le petit Pokémon, il tendit quelques Poffins fraîchement achetés à Osselait pour montrer qu’il n’y avait pas de danger, puis les donna à son nouveau Goupix qui finit par les accepter. Avec un sourire, il le flatta à nouveau de quelques caresses puis se redressa. Se faisant, il ne vit même pas le petit Kokiyas qui, non loin sur la plage, rejoignait l’océan langue tendue. Goupix le regarda d’un air curieux, et Oscar le rassura d’un sourire.
« Nous cherchons de nouveaux Pokémons. Tu peux nous accompagner ou rentrer dans ta Pokéball. »
Après ce qui sembla être un instant d’hésitation, Goupix fit un petit bond et se joint à eux. Les choses prenaient décidément un tournant aussi inattendu qu’agréable, et Oscar se sentit déjà fondre pour ce petit Goupix qui lui avait accordé sa confiance avec autant de facilité. Il saurait pourtant s'en montrer digne, et devait avouer que même si son équipe ne comptait que deux Pokémons, il aimait déjà son petit nouveau.
Lui qui rêvait de découvrir de nouveaux Pokémons et de percer la plupart de leurs mystères, il était bien servi sur l’île d’Alola. Il était un peu dégoûté à l’idée que l’île ne soit à leur disposition que pour deux semaines seulement, là où les habitants de cette dernière faisaient tant de manière pour cacher ce qui la constituait. Il avait bien vu que des bouts de l’île étaient interdits aux touristes, et ça le rendait fou de curiosité. Peut-être oserait-il s’y aventurer s’il capturait assez de Pokémons ?
Non, c’était peu probable. Il n’était pas de ce genre, même s’il savait qu’il allait devoir prendre sur lui plus d’une fois et affronter des terres inhospitalières s’il voulait compléter le Pokédex. Ce n’était pas un grand courageux, mais il savait que ce voyage allait lui forger le caractère. Et puis, il connaissait bien les villes de Libert’île après tout, seuls les lieux naturels qu’il n’avait pas pu explorer seraient peut-être un peu plus délicats à explorer.
Goupix poussa alors un petit cri. Oscar sursauta et tourna la tête pour la voir aux prises avec un petit Pokémon noir à la moustache broussailleuse.
« C’est quoi ce truc ? »
En y regardant mieux, le jeune homme reconnut un Rattata, un Rattata comme il n’en avait jamais vu ailleurs. C’était donc vrai. Tous les Pokémons étaient-ils différents sur cette île ? Ses sens de collectionneurs s’excitèrent, et il déplora encore plus cette règle des dix captures. Il n’eut pourtant pas le loisir de capturer celui-ci, car Newt, par soucis de protection envers Goupix, lui asséna un coup d’os sur la tête et l’envoya bouler. Oscar soupira.
« C’était vraiment nécessaire de l’assomer ? »
Osselait haussa ses petites épaules d’un air innocent tandis que Goupix jappa de reconnaissance. Bon, sans doute l’était-ce, dans ce cas.
Il leva les yeux au ciel. C’était tout Newt, ça. À peine avaient-ils un nouveau compagnon qu’il jouait déjà les chevaliers servants. Au fond, ça le touchait. Lui-même l’avait vécu avec lui. Il pouvait se montrer protecteur, et il n’était pas rare qu’on vienne se plaindre de coups d’os un peu trop violents. Du haut de ses quarante centimètres, il était vrai qu’il n’intimidait pas grand monde, mais il savait très bien viser et avait une force insoupçonnable. À coup sûr, Oscar ne voulait plus se frotter à lui.
Goupix semblait beaucoup l’aimer déjà, en revanche. Il restait à ses côtés et Osselait semblait aimer l’attention qu’il lui portait. Oscar savait qu’il devrait passer au centre Pokémon le plus proche pour le faire examiner et en apprendre plus sur lui, mais il n’avait pas le coeur à l’enfermer dans une Pokéball en attendant. Et puis il était si mignon… Au fond il craquait très facilement pour les Pokémons. Le contact avec eux était simple et facile. Le Caninos qui arrivait vers eux, appâté par l’odeur des Poffins n’y faisait pas exception. Il s’était approché prudemment, non sans quelque curiosité qui fit sourire Oscar. Il avait de la chance aujourd’hui, il ne tombait que sur de beaux Pokémons. À moins qu’Alola n’en soit peuplée exclusivement, mais il en doutait. En revanche, il remarqua que ce Caninos ressemblait trait pour trait à ceux du continent. Rien qu’il ne pouvait voir ne le distinguait des autres. Peut-être y avait-il des Pokémons dits normaux sur cette île après tout. Avec un sourire et sans un mot, il dirigea donc les Poffins qui avaient régalé ses deux autres Pokémons vers lui, et attendit qu’il s’approche pour essayer de le capturer avec un calme olympien.
Prudent, le Caninos s’était approché de lui petit à petit. Oscar tenta de le rassurer en tendant la main un peu plus loin.
« Allez, viens. Je vais rien te faire, hein. »
Oui, enfin, juste l’attraper s’il le pouvait. Et pour le coup, il se fit probablement un peu trop maladroit. En voulant lancer la Pokéball sur le Caninos, ce dernier sursauta, prit peur et partit en courant. La ball, elle, se brisa en mille morceaux sur le sol sableux et Oscar fut seul devant sa connerie. Il échangea un regard consterné avec son Osselait qui sembla lui en vouloir de s’y être pris comme un manche. Vexé, il eut une petite moue boudeuse.
« Oui bon bah ça va ! Ca arrive à tout le monde. »
Il était peiné, au fond. Il aurait bien voulu d’un Caninos, lui. Il se releva donc, poussa un profond soupir et se passa la main dans les cheveux. Goupix, plus emphatique qu’il ne l’aurait pensé pour un Pokémon aussi récent dans son équipe, sembla vouloir le réconforter en se mettant debout sur ses pattes le temps d’un instant. Il esquissa un sourire.
« Après tout, vaut mieux toi que lui, j’imagine. »
Au moins des Caninos comme lui, il pouvait en trouver sur Libert’île. Malgré sa déception, il tenta donc de faire contre mauvaise fortune bon coeur, et revint à son exploration.
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