Le soleil était haut dans le ciel, et pourtant il ne faisait pas une chaleur accablante. Tant mieux d’ailleurs, autrement il se serait senti forcé de faire rentrer Goupix dans sa Pokéball pour qu’elle n’en souffre pas. Il était ironique de penser qu’on doive raire rentrer un Goupix par un temps si beau, d’habitude plus il faisait chaud plus ils étaient tentés de pointer le bout de leur nez. Et puis, Feunard était un Pokémon très majestueux. Il n’osait même pas imaginer à quoi devait ressembler un Feunard de glace, mais espérait en avoir l’occasion prochainement s’il prenait soin de ce Goupix. Pour le moment, il avait certainement envie de le garder à ses côtés. Bondissant sur un rocher voisin, un Férosinge apparut alors. Les bras tendus en l’air pour paraître plus imposant, il sautillait sur place en émettant de petits cris. Il était suffisamment haut cependant pour pas qu’on ait à s’en inquiéter. Oscar esquissa un sourire.
« Une prochaine fois je pense. Il a l’air de ressembler à ceux du continent. Et comme j’ai plus beaucoup de Pokéballs… »
Il ne lui en restait que quatre même. Et si tous les Pokémons qu’il rencontrait avaient la volonté de Caninos de le suivre, il n’irait pas bien loin avec ces quatre-là. Il espérait simplement qu'il en capturerait d’autres, même si pour une première journée, Goupix était un très beau butin.
Le Férosinge s’agitait du haut de son rocher, et Newt, une veine palpitante sur le front face à tant de provocations, prit de l’élan pour balancer son os comme un boomerang. Oscar l’arrêta d’un geste de la main.
« Arrête, Newt. Ca sert à rien de l’agacer là. Sont toujours vénères ceux-là, de toute façon. »
Il les aimait bien pour cette raison, mais sachant qu’il pourrait en trouver toute aussi facilement à Libert’île, il ne voulait pas dépenser une Pokéball pour un membre de cette espèce, ni pour un de ces pauvres Magicarpes qu’il voyait dans le petit ruisseau un peu plus loin. Goupix, lui, avait l’air de se sentir de plus en plus à l’aise avec le duo d’orphelins, et Oscar s’en sentit rassuré. Il s’en serait voulu de capturer un Pokémon qui ne voulait pas faire un bout de route avec eux, surtout que comme il ne voyageait pratiquement jamais avec Osselait dans sa Pokéball, il lui aurait été bizarre d’en garder certains enfermés tout le temps. Mais pour cela, il fallait en capturer davantage.
Pas un Pokémon à l’horizon. Il faisait pourtant bon, l’après-midi avançait, la verdure était au rendez-vous, et pourtant rien. Au bout d’un bon quart d’heure de marche, Oscar accepta donc de faire une pause et s’assit à l’ombre d’un arbre. Passant une main fatiguée sur son front, il s’occupa ensuite de ses deux Pokémons en leur donnant de quoi manger, avant de sentir quelque chose trembler sous ses fesses.
Il eut une grimace sceptique, demanda le silence dans un chuchotement et entendit en effet une sorte de grondement. Il se passait bien quelque chose sous ses fesses, et il eut le réflexe de s’écarter trop tard. Un Taupiqueur était en train de creuser vers la surface pile à l’endroit où il s’était assis.
« Hey ho, on se calme ! »
Il s’écarta rapidement, à genoux, et Osselait brandit son os dans l’attente de porter son coup. Oscar leva les yeux au ciel face au comportement paranoïaque de son Pokémon.
« Doucement Newt, attaque pas n’im… »
BAM ! Le Taupiqueur eut à peine le temps de laisser émerger sa tête chevelue qu’Osselait lui aplatit la cervelle de son os et le fit rentrer à toute vitesse dans son trou. Blasé d’un tel comportement, Oscar ne put s’empêcher de lancer un « Roh » exaspéré.
« Mais t’as fini d’agresser tout le monde ? Toute la région va nous détester ! »
Osselait répliqua à force « d’Osselait » sonores et indignés, puis finit par partir bouder dans son coin. Le jeune homme se passa la main dans les cheveux avec un soupir.
Placé entre Oscar et Osselait, Goupix ne sut quoi faire pour gérer cette situation de crise. Remarquant son air préoccupé, le jeune homme s’affaira à le rassurer en lui caressant la tête.
« T’inquiète, c’est un vieux ronchon mais au fond on s’aime. »
Cela faisait même plus de vingt ans qu’ils s’aimaient. Au fond, ils étaient deux orphelins qui s’étaient trouvés et il était sa seule famille. Ce genre de chamailleries avaient lieu au moins une fois par jour entre eux, mais c’était comme ça qu’ils communiquaient. Il allait donc chercher Osselait qui boudait dans son coin et tenta de le ramener à la raison. Newt marmonna encore quelques vacheries malgré son vocabulaire restreint, et se rapprocha d’eux. Oscar tendit la main.
« La paix ? »
C’était comme ça que s’était terminée leur première dispute. Avec une poignée de mains et un « On fait la paix » qui promettait de meilleures relations par la suite. Osselet sembla hésiter, mais finit par tendre son os pour venir serrer la main de son dresseur avec un sourire à la fois résigné et ravi. Oscar eut un sourire satisfait.
« Bon ! On va pouvoir se remettre en route alors. »
La paix fut ainsi faite entre Newt et Oscar et les choses rentrèrent dans l’ordre. Malgré cette pause moins reposante qu’autre chose, Goupix sautilla et accepta de continuer sa route à leurs côtés. En se disputant brièvement avec Osselait, le jeune homme avait eu peur qu’il revienne sur sa décision et qu’il les prenne pour des fous. Il semblait pourtant tout aussi enjoué de rester avec eux et ne semblait pas s’être formalisé de ce différend. Tant mieux. Il couva ses deux Pokémons d’un regard tendre, et une ombre passant rapidement au-dessus d’eux le fit lever les yeux vers le ciel. Il y vit un Goélise, un de ces nouveaux Pokémons que l’on avait remarqué dans ce qu’on avait appelé une migration.
« Il est loin ceci dit. Pas sûr que je puisse viser, moi. »
En parlant de viser, Osselait brandit son os et fit rire son dresseur.
« Ouais, je sais, toi t’es un pro ! Mais un os et une Pokéball c’est pas pareil. »
Une chose était sûre, il était certain que Newt pourrait gagner un concours d’Osselait lanceurs d’os. Ce n’était pas pour rien si son unique attaque, et attaque favorite était Osmerang après tout. Elle était faite pour lui.
Le sac à dos sur les épaules, Oscar glissa les mains dans ses poches mais essayait de garder l’oeil vigilant. Il ne voulait pas se laisser surprendre par un Pokémon sauvage, ni en rater un rare qui pouvait se tapir dans les hautes herbes du coin. Il n’était pourtant pas aussi habitué qu’il le voulait à explorer ces contrées sauvages. Il avait beau préférer les grands espaces, il ne s’y sentait pas toujours à son aise. Après tout, c’était à cause de Rhinocornes sauvages que ses parents étaient morts. Peut-être que cela laissait des traces à son inconscient ?
« Si vous voyez quelque chose, vous me dites hein ? »
Il n’eut aucune réponse, et pour cause, ses deux Pokémons avaient déjà remarqué un autre Pokémon. C’était le même Férosinge qu’un peu plus tôt, toujours perché sur son rocher, et qui les toisait depuis les hauteurs. Oz lui fit un vague signe de la main pour le saluer, mais ne s’attarda pas sur lui. Il ne voulait pas dépenser de Pokéballs pour un Férosinge, en tout cas pas ici, malgré son affection pour le Pokémon.
Sur la carte, l’île d’Alola ne lui avait pas semblé bien grande. Mais maintenant qu’il en explorait ses étendues sauvages, il se rendit compte qu’il avait probablement fait quelques erreurs de calcul. Tout lui semblait immense, et pour un lieu qui avait dit envahi par les touristes, il ne voyait personne à l’horizon. N’était-ce pas étrange ? Était-il autorisé à être là ? Il regarda autour de lui. Il ne vit aucun signe de vie humaine en vue, ne serait-ce qu’une jeune femme chevauchant un Tauros et qui fonçait vers la ville quelques minutes plus tôt. Mais il doutait qu’il soit le seul à chercher des Pokémons ici, même si l’idée était séduisante.
Il but une gorgée d’eau, en fit boire également à Newt et Goupix, et reprit sa route. Il essayait d’imaginer tous les Pokémons qui pouvaient peupler cette île, et se demandait à quel point ils pouvaient être rares. Même si pour le moment, il n’y avait pas foule. Ils devaient bien se cacher, à moins que les habitants de Libert’île aient déjà dépouillés la région de tous ses Pokémons, ce dont il doutait fortement.
Au moins, il faisait beau. Il n’y avait peut-être pas énormément de Pokémons, mais au moins il ne pleuvait pas. Il aurait été bien embêté de devoir affronter la pluie en plus des Pokémons sauvages. Au lieu de quoi la chaleur était plutôt douce, et il n’allait pas cramer au bout de quelques heures. Il était également vigilant par rapport à son Goupix dont il oubliait parfois le type glace, mais ce dernier semblait se porter à merveille. Il préféra lui conseiller tout de même.
« Tu me dis si tu as trop chaud, d’accord ? »
Goupix accepta en jappant, et Oscar se passa la main dans les cheveux. Il remarqua alors que ces derniers semblaient se dresser sur sa tête. Un rapide coup d’oeil aux poils de ses bras lui confirma ses doutes, et en se retournant il en découvrit la cause. Un Magneti passa non loin d’eux, faisant tourner ses aimants, mais aussitôt vit-il le jeune homme et ses Pokémons qu’il prit la fuite. Ce dernier s’agaça et se tourna vers Newt et Goupix.
« On pue ou quoi ? »
Il eut pour réponse un regard candide de son Goupix, et un mouvement de bras écartés par un Osselait qui semblait confus, signe de son impuissance et son incompréhension.
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