Oscar était certain qu’ils arrivaient bientôt à leur but, et il espérait sincèrement qu’il pourrait retrouver le Pokémon qui hantait ses pensées. Mais non. Au détour du rocher qui ressemblait à un Psykokwak, il retrouva un nouvel Airmure. Il haussa les sourcils et échangea un regard un peu désabusé avec Newt.
« Cet endroit est envahi par les Airmures, ma parole. »
Sur le moment, il fut inquiet à l’idée d’avoir arraché son Airmure à sa famille. Lui qui n’en avait pas, réunir des Pokémons orphelins pour former sa propre petite famille lui semblait être une idée très séduisante, mais détruire des familles déjà existantes n’était certainement pas dans ses projets. À mieux y réfléchir, il était même prêt à abandonner l’idée de capturer certains Pokémons s’il s’agissait de briser des familles déjà formées. Il préférait l’idée d’avoir la sienne, une famille un peu étrange, mais composée d’âmes solitaires en manque d’affection. C’était certes un rêve un peu naïf qui l’habitait, mais il s’était senti un peu blasé des relations humaines et avait besoin de vivre quelque chose de plus profond que cela. Les Pokémons, à son sens, étaient capables de le lui apporter, surtout s’ils se sentaient aussi seuls que lui. Cela semblait avoir été le cas de Goupix, et peut-être même de son Airmure malgré le nombre de membres de son espèce qu’il avait pu observer depuis le début de son séjour à Alola.
C’était là. À à peine quelques minutes de marche se trouvait le fameux rocher où il avait pu apercevoir un Absol. Pourtant, juste avant de pouvoir atteindre l’endroit convoité, le cri d’un Pokémon enragé fit sursauter Oscar qui fit volte-face. Un Férosinge. Ce dernier, perché au sommet d’un grand rocher, sautillait sur place en menaçant le petit groupe de ses bras tendus et de son regard rouge sang. Le jeune déglutit. Il eut aussitôt une pensée pour ce même Férosinge qu’il avait croisé lors de son premier jour ici. C’était un Pokémon attachant malgré ces airs rustres, mais qu’il ne pouvait pas attraper ici. Il avait beau ressentir toute l’affection du monde, il voulait tenter au maximum de garder son quota de captures pour attraper des Pokémons différents de ceux qu’il pourrait trouver sur Libert’île. Il passa donc son chemin, non sans une petite pensée pour le Férosinge qui l’avait accompagné la fois dernière et qu’il avait soupçonné de l’avoir suivi pendant quelques minutes. En effet, lors de son premier passage par ici, il avait revu le même Férosinge un peu plus tard. Était-ce encore le même ? Il n’aurait su le dire. Il ne connaissait pas suffisamment l’endroit et surtout il ne connaissait pas assez le Pokémon lui-même. S’ils se ressemblaient tous, ils avaient tous leur petit côté unique, et Oscar savait que même si on lui avait présenté une centaine d’Osselait identique, il n’aurait jamais aucun mal d’identifier son Newt. Peut-être était-ce là le lien qui les unissait qui parlait, mais jamais il n’aurait pu confondre son propre Pokémon avec celui d’un autre. Il le connaissait trop bien pour cela.
Il ne fallut que quelques minutes supplémentaires pour qu’ils ne parviennent au fameux rocher. Evidemment, il n’y avait rien. Une fois arrivé devant, Oscar se gratta la nuque et regarda autour de lui. Pas la moindre trace d’un Absol. À ses côtés, Newt tapota son mollet avec son os pour attirer son attention, et écarta les bras en signe d’impuissance. Oscar acquiesça.
« Ouais. C’était peut-être un peu trop optimiste. »
Il se sentit stupide. Qu’avait-il espéré ? Qu’Absol serait là, bien gentiment à l’attendre ? Confus, il regarda autour de lui. Il ne savait pas pourquoi ce Pokémon l’obsédait autant. Il en avait entendu parler auparavant, mais le voir était une expérience tout à fait différente. Ce Pokémon si majestueux, si beau et au regard si profond avait laissé une véritable marque en lui. Il se rappelait encore la brûlure de son regard écarlate dans le sien, et la sensation qui en était résultée. Jamais il n’avait ressenti ça en regardant un Pokémon. Jamais auparavant avait-il eu une telle expérience avec un Pokémon sauvage. C’était comme si cet Absol le connaissait, et le connaissait depuis longtemps. C’était comme s’il avait été fait pour le rencontrer là, sur ce rocher sur cette île d’Alola. Et pourtant, il n’avait pas voulu venir avec lui et avait fui aussitôt. Le coeur d’Oscar se serra à cette pensée. Il aurait tant voulu le revoir.
En arrivant auprès du fameux rocher dont il rêvait depuis plusieurs jours désormais, un long silence se fit entendre. Aucun de ces Pokémons n’osa parler, et Oscar demeura silencieux. Il regardait dans le vide parfois, puis relevait la tête pour regarder autour de lui dans l’espoir d’apercevoir un éclair noir et blanc, ou une lueur rouge qui rappellerait le regard si profond de ce Pokémon. Était-ce un Pokémon rare ? Oui, très probablement. Il n’avait jamais vu qui que ce soit avec un Absol auparavant et il avait de toute façon la dégaine d’un Pokémon rare. Et si c’était là une raison suffisante pour en capturer un, ce n’était pas la raison principale pour laquelle Oscar voulait le voir à ses côtés. Il s’était simplement senti happé par ce regard aussi grave que fascinant. Il en avait rêvé la nuit même et était toujours aussi estomaqué et déçu de cette capture loupée. Il aurait tellement voulu l’avoir. Que devait-il faire pour le revoir ? Y avait-il un rituel à accomplir, des pensées à avoir ? Était-ce simplement un Pokémon qui, tel un légendaire, on ne pouvait voir qu’une seule fois dans sa vie et qui disparaissait aussitôt ? Une telle idée lui étreignait le coeur. Il regarda encore une fois autour de lui, puis, le coeur battant, il murmura empli d’un espoir fou.
Le vent lui répondit. Un vent chaud, qui ne secouait que les plus faibles brindilles fermement accrochées au sol par la racine. Ses trois Pokémons relevèrent un regard surpris et un brin inquiet vers lui, et même s’il leur répondit d’un sourire, le coeur n’y était pas. Il se sentit encore plus idiot que précédemment. Peut-être se faisait-il des films, après tout. Peut-être n’était-il pas fait pour revoir Absol, et peut-être que le Pokémon en question n’était pas décidé à revenir. Peut-être avait-il disparu pour de bon, ou peut-être avait-il déjà été capturé par un dresseur ou un collectionneur un peu plus méritant que lui.
Cette dernière idée lui donna mal au ventre et à la tête. Il ne s’était jamais senti obsédé par un Pokémon à un tel point, et il était à peu près sûr que ce n’était pas une bonne chose. Il s’accroupit aux côtés de Newt, lui sourit timidement et lui caressa la tête.
« Je me monte la tête tout seul, hein ? »
Newt ne lui répondit pas, mais vint se réfugier au creux de ses bras. Touché par cette démonstration d’affection, il lui rendit son étreinte et le laissa en sortir quelques instants plus tard. Il ne sut quoi faire, cependant. Il était tenté d’attendre un peu, et il avait envie d’espérer encore. Peut-être que s’il attendait, Absol finirait par venir.
En se redressant et en regardant à nouveau autour de lui, Oscar ne vit rien. Il ne vit même pas le petit Férosinge un peu trop envahissant qui rouspétait contre on ne savait quoi en tapant du poing sur le sol rocailleux. Alors il poussa un soupir et se passa la main dans les cheveux. Que devait-il faire à présent ? Reprendre le chemin de l’hôtel, bredouille ? Camper ici en espérant revoir ce Pokémon qui lui avait fait un tel effet et qui avait pris la poudre d’escampette lorsqu’il avait essayé de le capturer ?
Le souvenir douloureux de cette capture raté lui retournait encore l’estomac. Mais il finit par poser son sac par terre sous le regard étonné de ses Pokémons. Il s’assit par terre, face au rocher, et sortit à manger.
« On va attendre ici un peu. S’il se montre pas, on reprendra la route, okay ? »
Goupix fut la première à accepter un tel compromis. Elle sauta sur les genoux de son dresseur, à la fois excitée par la perspective de faire une petite pause que par celle de manger un bout. Il sortit donc quelques gourmandises pour ses Pokémons qu’il distribua généreusement, mais au fond il se sentait tourmenté. Son regard ne cessait de dévier vers le fameux rocher.
« Hey, hey, t’excite pas, tu vas en avoir aussi. »
Ces quelques mots, à moitié interrompu par un petit rire léger avaient été adressés à une Hécate impatiente en se voyant être servie la dernière. Oscar lui laissa cependant une portion généreuse de cette nourriture qu’il avait acheté dans un stand d’Alola et qui semblait leur plaire. Il n’était pas un grand expert en nourriture Pokémon, mais il avait pris soin de se renseigner dans le quartier avant d’acheter n’importe quoi. Cependant, il voyait bien qu’on ne s’était pas moqué de lui : ses Pokémons adoraient ce qu’il avait pris soin d’acheter pour eux.
Il sortit donc une bouteille d’eau, et but une gorgée rafraîchissante. Lui, il n’avait pas faim. Le stress et l’excitation lui coupaient l’appétit. Il avait les yeux rivés sur le rocher et ne savait que faire. Devait-il attendre indéfiniment au risque de rester là jusqu’au coucher du soleil et de perdre l’opportunité de capturer de nombreux Pokémons qu’il était venu capturer ici ? Ou devait-il reprendre sa route et laisser derrière lui la perspective de retrouver enfin ce Absol disparu et peut-être même de le capturer ? Il hésitait cruellement, et il savait qu’aucun de ses Pokémons ne pourrait l’aider à prendre une telle décision. Et pourtant, elle lui coûtait beaucoup. Il aurait donné n’importe quoi, et plus les minutes passaient, plus la frustration l’étouffait.
Un Nosferapti passa juste au-dessus de sa tête et manqua de l’ébouriffer. Le Pokémon fut même si rapide qu’il inspira un peu trop vite et manqua de s’étrangler en avalant trop d’air d’un coup. Lèvres et nez retroussée dans une grimace disgracieuse, il se repassa la main dans les cheveux en guettant le Pokémon Poison du regard et pour vérifier qu’il ne se serait pas soulagé sur lui au passage sans qu’il ne s’en rende compte.
« J’espère que ça veut pas dire qu’il va faire nuit bientôt. »
À deux heures de l’après-midi, c’était pourtant peu probable. Il était encore tôt et le soleil était encore trop haut dans le ciel. Quelle heure était-il la fois dernière, lorsque son chemin avait croisé celui du Pokémon convoité ? Il ne s’en souvenait plus. Il s’était retrouvé trop obnubilé par ledit Pokémon pour s’en préoccuper même. Jambes repliées contre lui, les bras encerclant ses genoux, il posa un faible soupir et reposa l’arrière de son crâne contre la roche. Puis il ferma un instant les yeux, et se laissa bercer par les bruits que lui apportait le vent.