flashback à deux ♥ ▬ from the deepest desire often come the deadliest hate.
| S'il y avait bien un jour de la semaine qu'Engharad détestait, c'était le dimanche ; cette journée au parfum léthargique, au goût amer et à la texture pâteuse. Comme un chewing-gum en fin de vie, restant collé au palais et dont la sensation contre la langue rappelait des jours meilleurs. Le ciel gris succédait à des nuages capricieux, à la faible lumière du soleil tentant de percer leur épais barrage et aux vols rapides des roucouls dans le ciel, vagues tâches brunes sur un paysage presque monochrome. Oui, le dimanche était une journée fade, s'étirant sur de longues heures d'ennui et n'aspirant qu'à disparaître pour laisser place au début de semaine. Une case vide, inutile, superficielle sur le calendrier de la vie.
Engharad avait mal dormi, se tournant et se retournant plusieurs fois dans son lit avant de trouver le sommeil. Elle s'était réveillé à deux heures, puis à quatre et s'était finalement levé à sept pour aller avaler une quantité astronomique de café et se griller plus de cigarettes qu'elle ne pouvait compter. Affalée sur le canapé de son petit studio de l'époque, elle avait zappé les programmes à la télévision pendant toute la mâtiné et en avait même profité pour finir à la cuillère un gros bol de glace saveur pistache et chocolat. Durant ce laps de temps, son portable avait sonné deux fois avant qu'elle daigne y répondre. « Mmmmh ? » La voix fusa dans le combiné. « Engie ! Il faut que tu m'aides ! » Elle posa une main sur le haut de son crâne, sentant déjà le mal de tête et la mauvaise nouvelle arrivés simultanément. « J'ai oublié de faire l'inventaire pour la réouverture. Les superviseurs vont me tuer s'ils arrivent pour vérifier lundi et que ça n'a pas été fait ... » Engharad chercha à tâtons son paquet de cigarettes, l'ouvrit et en glissa une entre ses lèvres. « T'abuses. » A l'autre bout du fil, elle entendit un soupir de soulagement. « Tu peux pas savoir comme je t'aime. Je te revaudrais ça. » Et il raccrocha.
C'est ainsi que, en début d'après-midi, Engharad se retrouva devant l'immense bâtiment abritant le casino de Bourg Ilek. Cela faisait maintenant six ans qu'elle y travaillait en tant que barmaid ; elle aimait cette atmosphère presque familiale qui régnait dans l'équipe de la team rocket et ne pouvait pas encore imaginer une seconde qu'elle quitterait un jour cet environnement. L'endroit était calme, le casino étant fermé depuis quelques temps maintenant suite à des travaux et Engharad se sentait comme temporairement en vacances. Du moins jusqu'à cet appel. Lâchant une énième cigarette sur le sol et ne prenant même pas la peine de l'écraser, la jeune femme se dirigea vers la porte de service, inséra son badge et pénétra dans la bâtisse. Les lumières s'éclairèrent à son passage, dévoilant sous leur lueur crue bâches, échelles et pots de peintures destinés aux travaux. Engharad contourna ce désordre et arriva finalement à la pièce principale du casino ; une vaste salle regroupant machines à sous, roulette électronique, tables de poker et, au fond, un immense bar qui semblait dominer le monde de toute sa largeur.
« On est fermé. C'est trop dur à comprendre ? Fiche le camp. » Engharad se figea, électrifiée par la surprise et la crainte ; avait-elle vraiment reconnu cette voix qui venait de briser le silence et de trancher l'obscurité ? Son regard balaya la salle pour venir s'agripper à la silhouette d'un homme, à moitié caché dans l'obscurité. « C'est une blague ? » Ses poings et sa mâchoire se serrèrent devant l'évidence de l'identité de l'homme. « Qu'est-ce que tu fous là ? »
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